Dans le Livre XI des Confessions, Augustin pose une question à la fois simple et vertigineuse : « Qu’est-ce que le temps ? » Il ajoute, dans une formule passée à la postérité : « Si personne ne me le demande, je sais. Si on me le demande et que je veux l’expliquer, je ne sais plus. » Ces pages, à la fois claires et profondes, fournissent une étonnante matière pour une expérience théâtrale. Il s’agit en effet, à la fois d’accompagner le penseur dans sa réflexion, et en même temps de donner corps à celle-ci, de ne jamais lâcher le parti-pris de la diction et de la vision les plus concrètes.
Le spectacle est construit sur une « dramaturgie de la pensée » : l’acteur cherche pour chaque énoncé la présence scénique la plus claire, et aussi à passer d’une idée à l’autre, non pas seulement par une déduction mentale, mais par une sorte de chemin physique. On s’appuie pour cela sur la forme très particulière du texte d’Augustin, sans cesse adressé à un interlocuteur exigeant et attentif qui se situe à la fois hors de lui et en lui-même. Le texte est interprété dans la toute récente traduction de l’écrivain Frédéric Boyer sous le titre « Les Aveux » (P.O.L., 2007).
Denis Guénoun est professeur à l’université Paris-Sorbonne, tout en ayant été a été comédien, metteur en scène, puis directeur du Centre Dramatique National de Reims. Auteur de textes de théâtre, parmi lesquels Lettre au directeur du théâtre (Cahiers de l’Egaré 1996), Monsieur Ruisseau (Circé 1997), Scène (Comp’Act 2000) Tout ce que je dis (Cahiers de l’Egaré, 2007) ; de divers essais, dont Le Théâtre est-il nécessaire ? (Circé 1997), L’Exhibition des mots (Circé 1998), Hypothèses sur l’Europe (Circé 2000), Après la révolution (Belin 2003), Actions et acteurs (Belin 2005), Livraison et délivrance (Belin, 2009); et d’un récit : Un sémite (Circé 2003). Parmi ses dernières mises en scène : Le Banquet de Platon, au Conservatoire (journées de juin 2008), L’Augmentation, de Georges Perec, en chinois à Shanghai (mai-août 2010) et Artaud-Barrault au Théâtre Marigny (octobre 2010). Il est par ailleurs directeur des collections « Expériences philosophiques » aux Editions des Solitaires Intempestifs, et de « Théâtre et philosophie » aux Presses de l’Université Paris-Sorbonne.
Informations pratiques concernant la rencontre et le spectacle
La rencontre avec Denis Guénoun sera précédée par la présentation de son spectacle « Qu’est-ce que le temps ? (Le Livre XI des Confessions d’Augustin) » à 15h.
Stanislas Roquette, interprète de "Qu'est-ce que le temps" d'après les Confessions XI de saint Augustin, spectacle de Denis Guénoun
Un classique de la pensée philosophique mis en scène
Les Confessions, de Saint Augustin, sont un des écrits les plus célèbres de la culture occidentale. Augustin y invente le genre de l’autobiographie, et livre des souvenirs bouleversants sur son enfance, sa mère, sa conversion, dans une prose très intense. Mais ce ne sont pas ces aspects qui font la matière du spectacle ici proposé. Dans le Livre XI – un classique de la pensée philosophique –, Augustin pose une question à la fois simple et vertigineuse : Qu’est-ce que le temps ? Il ajoute, dans une formule passée à la postérité : « Si personne ne me le demande, je sais. Si on me le demande et que je veux l’expliquer, je ne sais plus. » Il a semblé que ces pages, à la fois claires et profondes, étaient une étonnante matière pour une expérience théâtrale. Il s’agit en effet, à la fois d’accompagner cet immense penseur dans sa réflexion, et en même temps de donner corps à celle-ci, de ne jamais lâcher le parti-pris de la diction et de la vision les plus concrètes. Le spectacle est construit sur une dramaturgie de la pensée : l’acteur cherche à donner à chaque énoncé sa présence scénique la plus claire, et aussi à passer d’une idée à l’autre, non pas seulement par une déduction mentale, mais par une sorte de chemin physique. On s’appuie pour cela sur la forme très particulière du texte d’Augustin, sans cesse adressé à un interlocuteur exigeant et attentif qui se situe à la fois hors de lui et en lui-même. Cette mise en corps, et en espace, d’une interrogation qui anime un (jeune) homme très ardent, se présente comme un questionnement intense, à la fois violent et drôle – dans la tradition d’une sorte de comique spéculatif, ou de one-man-show théorique, dont les antécédents pourraient être paradoxalement trouvés dans Molière ou Raymond Devos.
Lors de la création aux journées de Brangues 2010, Armelle Héliot a pu écrire dans Le Figaro : « Mis en scène avec finesse par Denis Guénoun, le jeune Stanislas Roquette a fait du livre XI des Confessions de Saint Augustin, traduit par Frédéric Boyer, un éblouissement spirituel et théâtral ! »
Dans le Bulletin de la Société Paul Claudel, Sever Martinot-Lagarde écrit de son côté : « Denis Guénoun présente son étonnante mise en scène du livre XI des Confessions de Saint Augustin. Avec une énergie et une endurance extraordinaires, Stanislas Roquette tient en haleine les spectateurs pendant une heure sur un monologue philosophique long et touffu. Il se livre à un travail magnifique de regards et modulation rythmique des gestes et de la voix. Torturé par sa pensée, enfermé dans ses apories, le comédien donne vie aux interrogations angoissées d’Augustin sur le temps, qu’il a l’art de rendre à la fois comiques et tragiques. »
» Ne laisse pas ma part obscure me parler. Je me suis dispersé là-bas. Je suis obscur. Mais là, même là, je t’ai aimé à la folie. Je me suis perdu et je me suis souvenu de toi… Maintenant je reviens vers ta source. En feu. Le souffle coupé. Personne pour m’en empêcher. Je vais la boire. Je vais en vivre. Je ne suis pas ma vie. Je vis mal de moi. J’ai été ma mort. » Livre XII, 10.
J’ai voulu, par une nouvelle traduction intégrale du texte d’Augustin, rendre justice à cette véritable odyssée personnelle, à ce voyage intime dans le temps, la mémoire de soi et l’écriture. Augustin révolutionne ainsi la confession antique, détourne la littérature classique, et fait exploser les cadres anciens à l’intérieur desquels nous avons l’habitude de nous réfugier et de penser notre vie.
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