
Les inégalités économiques ont-elles un sens moral ?
« Je ne m’intéresse pas aux causes des inégalités économiques, mais à ses justifications morales. Ce sont ces justifications que je trouve toutes infondées. » Ruwen Ogien
Lire l’excellent article de Ruwen Ogien paru le 13 juillet 2012 sur le site iphilo à propos de la généralisation de justifications des inégalités économiques par des raisons apparemment morales : à droite, comme à gauche, n’a-t-on pas tendance en effet à sanctionner la paresse et au contraire à vouloir récompenser le mérite ?
Ruwen Ogien part de l’observation à propos de la représentation de la pauvreté en Europe faite par le sociologue Nicolas Duvoux, celle selon laquelle « l’explication par des phénomènes macro-économiques » ont cédé le pas en 20 ans à « l’explication de la pauvreté par la paresse », explication qui serait certainement la cause des attaques contre la fraude sociale, qui touche évidemment les « petits », considérés souvent comme des parasites ou des fainéants.
Et l’auteur L’éthique aujourd’hui de dire que « ce n’est pas la « fraude sociale » (…) infiniment moins importante que l’évasion fiscale des riches, qu’il faudrait combattre en priorité, mais le non recours massif aux aides sociales auxquelles les plus pauvres ont droit. »
Toute la question est de savoir si ces opinions populaires trouvent des justifications plus théoriques, philosophiques.
Pour réfléchir sur cette question nous pourrons lire avec profit l’éditorial de Ruwen Ogien donné sur iphilo, http://iphilo.fr/2012/07/13/…, l’ouvrage de Nicolas Duvoux, Le nouvel âge de la solidarité : Pauvreté, précarité et politiques publiques La république des idées, Paris, Seuil, 2012) ainsi que les deux livres de Jean-Fabien Spitz, Abolir le hasard ? Responsabilité individuelle et justice sociale
, Paris, Vrin, 2008) Pourquoi lutter contre les inégalités ? ainsi que L’éthique aujourd’hui : Maximalistes et minimalistes de Ruwen Ogien lui-même.
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Nicolas Duvoux
Le nouvel âge de la solidarité
Pauvreté, précarité et politiques publiques
Collection la République des idées
aux édition du seuil
Présentation de l’ouvrage par l’éditeur
Les dispositifs de lutte contre la pauvreté sont souvent accusés d’entretenir l’oisiveté des » privilégiés » qui en bénéficient. Non seulement il est scandaleux de présenter les plus vulnérables comme des paresseux, mais l’assistance ne saurait être confondue avec l’Etat social. Au contraire, elle résulte de la décomposition de ses protections collectives. Son extension continue marque le passage du système de protections universalistes érigé après-guerre à des politiques ciblées, centrées sur la pauvreté et l’exclusion. Le développement de l’assistance, que la crise amplifie encore, est un choix de société non explicité et non assumé. Il conduit à un délitement progressif de la solidarité, à l’indifférence envers la pauvreté, mais aussi à un double mouvement de responsabilisation de l’individu, d’un côté, et de justification des inégalités, de l’autre. Ce livre vise à conjurer l’engrenage de la stigmatisation des assistés et du recours croissant à l’assistance dans lequel notre pays s’est engagé. Pour éviter que ce cercle vicieux n’aboutisse à un démantèlement délibéré des droits sociaux, il faut repartir des héritages historiques et sociaux de la gauche et chercher les voies d’une articulation nouvelle entre la responsabilité de la collectivité et celle de l’individu.
Qui est Nicolas Duvoux ?
Nicolas Duvoux, maître de conférences en sociologie à l’université Paris Descartes, a récemment publié L’Autonomie des assistés. Sociologie des politiques d’insertion (PUF, 2009). Il est par ailleurs personnalité qualifiée du Comité national d’évaluation du RSA.
Jean-Fabien Spitz
Abolir le hasard ?
Responsabilité individuelle et justice sociale
Chez Vrin
Jean Fabien Spitz, enseignant à l’Université de Paris, spécialiste de philosophie politique, traducteur de nombreux textes de John Locke, a publit chez Bayard un autre ouvrage qui pose un problème qui devrait dans cette même thématique nous intéresser : Pourquoi lutter contre les inégalités ?
Vivons-nous la fin de la justice sociale ? Est-il devenu contre-productif de demander à ceux qui ont accumulé des richesses de payer pour ceux qui n’en ont pas assez pour subsister ? Comment refonder la nécessité de la redistribution des richesses dans un monde où certains ont réussi par leurs seuls efforts et d’autres échoué par leur imprudence ? De quel droit borner le droit de profiter des biens que l’on a eu la chance ou le talent d’accumuler ? En quelques mots, pourquoi faut-il lutter contre les inégalités ?
Pour en savoir davantage sur la philosophie morale de Ruwen Ogien
Ruwen Ogien
L’éthique aujourd’hui
Maximalistes et minimalistes
Gallimard Folio Essais
Pour obtenir l’ouvrage de Ruwen Ogien : L’éthique aujourd’hui : Maximalistes et minimalistes
Imaginez un monde dans lequel vous pourriez être jugé « immoral » pour vos actions non seulement à l’égard des autres, mais aussi de vous-même. Qui aimerait vivre dans un tel monde, où rien de ce qu’on est, pense ou ressent, où aucune de nos activités, fut-elle la plus solitaire, n’échapperait au jugement moral ?
C’est pourtant ce que propose aujourd’hui l’éthique, largement ralliée aux thèses maximalistes d’un Aristote, qui nous recommande tout un art de vivre et pas seulement un code de bonne conduite en société, et de Kant, pour qui nous avons des devoirs moraux à l’égard d’autrui comme de nous-même.
C’est oublier les éthiques alternatives,minimalistes, pour lesquelles le monde moral, moins envahissant, se limite au souci d’éviter de nuire délibérément à autrui.
Toute l’histoire de l’éthique aujourd’hui est l’histoire de l’opposition entre maximalistes et minimalistes. »
Ruwen Ogien, L’éthique aujourd’hui : Maximalistes et minimalistes
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